Hyperbolisation des suspensions d'homéomorphismes pseudo-Anosov

De Groupes Kleiniens
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On montre dans cette partie le théorème suivant du à Thurston

théorème: Soit $\phi:S \rightarrow S$ un homéomorphisme pseudo-Anosov d'une surface compacte $S$ alors la suspension $(S \times [0,1]) / \sim$ admet une structure hyperbolique.

On essaiera de présenter deux approches:

  • limites de déformations quasi-conformes (Thurston, Otal 1996)
  • triangulation (Agol, Rivin, ...)

tout en éludant une troisième à base de renormalisation due à McMullen (elle fait l'objet d'un livre que l'on peut récupérer ici)

Qu'est-ce qu'un pseudo-Anosov

Soit $\mathbb{T} = \mathbb{C} / (\mathbb{Z} + i \mathbb{Z})$ le tore carré muni de sa structure complexe. Lorsqu'on l'épointe à l'origine, il admet une structure hyperbolique.

Soit $A = \begin{pmatrix}2&1\\1&1\end{pmatrix}$ (toute matrice symétrique de $SL(2,\mathbb{Z})$ conviendrait). Alors $A$ induit un difféomorphisme $f: \mathbb{T} \rightarrow \mathbb{T}$ qui présèrve l'originie. Les directions propres de $A$ induisent deux feuilletages mesurés sur $\mathbb{T}$ qui sont préservés par $A$. Plus précisément, on a un feuilletage mesuré instable $(\mathcal{F}^+, \mu^+)$ et un feuilletage mesuré stable $(\mathcal{F}^-, \mu^-)$ tels que

  • $f_* \mu^+ = \lambda \mu^+$ et $f_* \mu^- = \lambda^{-1} \mu^-$
  • pour toute courbe simple $\gamma$, on a $(f_*)^i(\gamma) \to \lambda^+$ et $(f_*)^{-i} \to \lambda^-$ (la convergence au sens des feuilletages mesurés).

C'est un exemple de difféomorphisme Anosov.

Il y a deux écoles pour définir un pseudo-Anosov: soit on met des composantes de bords soit on autorise des singularités (et alors ce n'est plus un difféomorphisme). Dans tous les cas, il faudra épointer la surface aux singularités. Pour être sur, il vaut mieux parler d'homéomorphisme pseudo-Anosov. Une construction pratique est donné par Thurston à partir de deux multi-twists (REFERENCE) mais tous les pseudo-Anosov ne s'obtiennent pas comme ça (REFERENCE).

Les deux feuilletages induisent une structure complexe sur la surface (attention, elle dépend des mesures transverses $\mu^+$ et $\mu^-$. Si on change les mesures transverses en $\alpha \mu^+$ et $\beta \mu^-$ on change de structure complexe). Pour cette structure complexe, l'homéomorphisme pseudo-Anosov est quasi-conforme et sa constante de quasi-conformité est $K = \lambda^2$ (pour cette structure complexe, le pseudo-Anosov admet des cartes affines et tout cercle de l'espace tangent est envoyé sur une ellipse de grand axe $\lambda$ et de petit axe $\lambda^{-1}$).

Espace de Teichmüller

Il y a deux façons de voir l'espace de Teichmüller d'une surface $S = \mathbb{H}^2 / \Gamma$.

  • comme l'espace des représentations (discrètes et fidèles) de $\Gamma$ dans $PSL(2,\mathbb{R})$ (à conjugaison près)
  • comme l'espace des structures complexes sur $S$ (à isotopie près)

Par le théorème d'uniformisation c'est la même chose. On note $\mathcal{T}(S)$ ou $\mathcal{T}(\Gamma)$ l'espace de Teichmüller.

Attention: $\mathcal{T}_g$ n'existe pas, il faut absolument une surface ou un groupe de référence pour définir l'espace de Teichmüller. L'espace de Teichmüller est toujours un espace pointé.

Classifications des homéomorphismes de surfaces

En utilisant la compactification de l'espace de Teichmüller avec les feuilletages mesurés, Thurston a montré le théorème suivant:

théorème: Soit $\phi$ un homéomorpĥisme d'une surface topologique $S$. Alors

  • soit $\phi$ est d'ordre fini et c'est une isométrie pour une certaine structure complexe sur $S$
  • soit $\phi$ est un pseudo-Anosov
  • soit $\phi$ présèrve une multi-courbe (on dit qu'il est réductible car, quitte à prendre une puissance, on peut découper la surface en sous-surfaces sur lesquelles $\phi$ induit un homéo d'un des deux types ci-dessus).

L'espace des représentations dans $PSL(2,\mathbb{C})$

Topologie sur l'espace des représentations

On fixe $\Gamma$ un groupe de type fini et on s'intéresse à l'ensemble de ces représentations $\mathcal{R}(G)$ dans $Isom(\mathbb{H}^n)$. On munit $\mathcal{R}(G)$ de la topologie algébrique, i.e. en mesurant les distances sur un systèmes de générateurs. On note $\mathcal{DF}(\Gamma)$ l'ensemble des représentations discrètes et fidèles de $\Gamma$.

proposition: $\Gamma$ Kleinien non élémentaire. Alors $\mathcal{DF}(\Gamma)$ est fermé dans $\mathcal{R}(\Gamma)$.

On utilise deux outils:

lemme de Margulis: Il existe $\epsilon = \epsilon(n)$ tel que si $\Gamma \subset Isom^+(\mathbb{H}^n)$ est Kleinien (= type fini + discret + sans torsion) alors pour tout $x \in \mathbb{H}$ le groupe $\Gamma_{x,\epsilon}$ engendré par les éléments qui déplaces $x$ de moins que $\epsilon$ est élémentaire (= virtuellement abélien).

et

lemme: soit $g,h$ deux isométries de $\mathbb{H}^n$ telles que le groupe engendré $\langle g,h \rangle$ soit discret. Alors les propositions suivantes sont équivalentes:

  • $\langle g,h \rangle$ est élémentaire
  • $g$ et $h$ ont le même ensemble de points fixes
  • $h$ préserve les points fixes de $g$

preuve de la proposition: Soit $\rho_i: \Gamma \rightarrow Isom^+(\mathbb{H}^n)$ une suite de représentations qui converge vers $\rho$ pour la topologie de $\mathcal{R}(\Gamma)$. On raisonne par l'absurde.

$\rho$ est fidéle: supposons qu'il existe $g \not= Id$ tel que $\rho(g) = Id$. Alors pour tout $h \not= Id$ dans $G$ on a $\rho([g,h]) = Id$. Par le lemme de Margoulis, pour $i$ assez grand, $\rho_i(g)$ et $\rho_i([g,h])$ engendrent un groupe élémentaire. Ainsi par le second lemme, $\rho_i(g)$ et $\rho_i([g,h])$ ont les mêmes points fixes. Mais $hgh^{-1}$ est aussi dans le groupe engendré par $g$ et $[g,h]$ et a ainsi le même ensemble de points fixes. Ainsi, $\rho_i(h)$ présèrve les points fixes de $\rho_i(g)$ et par le second lemme, $\rho_i(h)$ et $\rho_i(g)$ engendrent un groupe élémentaire. Ceci est vrai indépendemment de $g$ et $h$ et contredit le fait que $\Gamma$ n'est pas élémentaire.

$\rho$ est discrète: Soit $g_1, \ldots, g_k$ un système de générateurs pour $\Gamma$. On note $$K := \overline{\bigcup_{i \geq 0} \{\rho_i(g_1), \rho_i(g_2), \ldots, \rho_i(g_k)\}}.$$ C'est un compact de $Isom^+(\mathbb{H}^n)$ par définition. Soit $U \subset Isom^+(\mathbb{H}^n)$ un voisinage de $Id$ tel que pour tout $g \in K$ et $h \in U$ on ait

  • $d(p, [g, h] \cdot p) < \epsilon(n)$
  • $d(p, h \cdot p) < \epsilon(n)$

pour un point de référence $p \in Isom(\mathbb{H}^n)$. Supposons que $\rho$ ne soit pas discrète. Alors pour $i$ assez grand, il existe $h \in \Gamma$ différent de l'identité tel que $\rho_i(h) \in U$. Par le lemme de Margoulis et en utilisant le même argument que ci-dessus, $\rho_i(h)$ et $\rho_i(g_j)$ ont les mêmes points fixes. Ca contredit à nouveau le fait que $\Gamma$ n'est pas élémentaire.

L'isomorphisme d'Ahlfors-Behrs

Isomorphisme d'Ahlfors-Bers: $\mathcal{QF}(\Gamma) \rightarrow \mathcal{T}(\Gamma) \times \mathcal{T}(\overline{Gamma})$.

Limites de déformations quasi-fuchsiennes

Soit $\sigma \in \mathcal{QF}(\Gamma)$ une représentation quasi-fuchsienne de $\Gamma$ et soit $(\sigma^+, \sigma^-) \in \mathcal{T}(\Gamma) \times \mathcal{T}(\overline{\Gamma})$ les coordonnées de $\sigma$ par l'isomorphisme d'Ahlfors-Bers. Pour un élément hyperbolique $\gamma \in \Gamma$ on note $\ell(\gamma)$ la distance de translation del'élément $\rho(\gamma)$ dans $\mathbb{H}^3$, $\ell^\pm(\gamma)$ celle de $\rho^\pm(\gamma)$ dans $\mathbb{H}^2$.

lemme d'Ahlfors: On a $\ell(\gamma) \leq 2 \min (\ell^+(\gamma), \ell^-(\gamma))$.

preuve: Soit $\phi: \mathbb{H}^2 \rightarrow \Omega^+(\rho(\Gamma))$ l'isomorphisme conforme qui conjuge l'action du groupe fuchsien $\rho^+(\Gamma)$ avec $\rho(\Gamma)$. Quitte à conjuguer $\rho^+$ par un élément de $PSL_2(\RR)$ et $\rho(\Gamma)$ par un élément de $PSL_2(\mathbb{C})$ on peut supposer que $$ \rho^+(\gamma) \cdot z = \exp(\ell^+(\gamma)) \cdot z \qquad \text{et} \qquad \rho(\gamma) \cdot z = \exp(\ell(\gamma) + i \alpha)) \cdot z$$. Noter qu'après la conjugaison, $0$ est toujours dans l'ensemble limite de $\rho(\Gamma)$.

La représentation conforme $f$ vérifie alors: $$ \phi(\exp(\ell^+(\gamma) \cdot z)) = exp(\ell(\gamma) + i \alpha) \cdot \phi(z). $$ Comme $0$ est dans l'ensemble limite de $\rho(\Gamma)$, pour tout $z \in \mathbb{H}^2$ la distance du point $f(z)$ à la frontière de $f(\mathbb{H}^2)$ est inférieur à $|f(z)|$.

On utilise astucieusement le lemme 1/4 de Koebe pour conclure.

Quelques borderies possibles (pour d'autres exposés ?)

  • La norme de Thurston et les faces fibrées (paramétrisation des fibrations sur le cercle d'une trois variété hyperbolique donnée)
  • Le théorème d'Agol: toute variété hyperbolique de dimension 3 admet un revêtement fini qui fibre sur le cercle
  • l'approche de McMullen dans "Renormalization and 3-Manifolds which Fiber over the Circle"

Références

  • A. Fathi, F. Laudenbach, V. Poénaru, "Travaux de Thurston sur les surfaces", Astérisque, SMF
  • J.-P. Otal, "Le théorème d'hyperbolisation pour les variétés fibrées de dimension 3", Astérisque 235, 1996
  • W. Thurston, "Hyperbolic structures on 3-manifolds, II: surface groups and 3-manifols which fiber over the circle", arXiv:math/9801045