Lemme de la boucle
Soit $M$ une $3$-variété topologique à bord (pas nécessairement compacte, ni orientable) et $D$ le disque fermé de dimension 2.
Lemme de la boucle. (Papakiriakopoulos, 1957) Si $f:(D,\partial D) \to (M,\partial M)$ est continue et si la restriction de $f$ à $\partial D$ n'est pas homotope dans $\partial M$ à un point, alors il existe un plongement (topologique) avec les mêmes propriétés.
La présentation suivante en deux temps de ce lemme sera peut-être plus parlante:
Définitions
- Un disque de compression appliqué est une fonction continue $f:(D,\partial D) \to (M,\partial M)$ telle que $f\big|_{\partial D}$ n'est pas homotope dans $\partial M$ à un point.
- Un disque de compression plongé est un disque comme ci-dessus, qui est en plus un plongement topologique.
Quasi-tautologie. L'application naturelle $i_*: \pi_1\partial M \to \pi_1 M$ a une image non réduite à l'élément neutre ssi $M$ possède un disque de compression appliqué.
Lemme de la boucle. Si $M$ possède un disque de compression appliqué, alors $M$ possède un disque de compression plongé.
Corollaire immédiat: $i_*: \pi_1\partial M \to \pi_1 M$ a une image non réduite à l'élément neutre ssi $M$ possède un disque de compression plongé.
Rappelons que ceci n'est valide qu'en dimension $3$.
On utilise souvent la terminologie disque de compression sans préciser si c'est plongé ou immergé. Il est probable que la plupart du temps, c'est plongé qui est sous-entendu. Le lemme de la boucle montre que cette distinction est superflue, quand on considère seulement l'existence d'un tel disque.
Preuve
(Expliquée par Laurent, à partir du [Hatcher], notes prise par Arnaud)
- On triangule $D$ et $M$ puis on construit une tour de procédés suivants "prendre un voisinage tubulaire $V$ de l'image du disque, prendre un revêtement de degré 2 et simplicial de $V$"; on prouve que la tour est finie.
- On trouve un disque de compression plongé en haut de la tour, puis on la redescend, en éliminant les pincements au fur et à mesure.
La tour
Construction
On travaille en catégorie PL (complexes simpliciaux ?). Toute variété de dimension $3$ est triangulable. (D'après MOISE, dans une série de 5 papiers à Annals of Maths, 1951-1952)
D'après le théorème d'approximation simpliciale, quitte à prendre une triangulation assez fine du disque puis à faire une homotopie sur $f$, on peut supposer que $f$ est simpliciale : c.à.d. $f$ envoie linéairement tout simplexe de $D$ (de toute dimension) sur un simplexe (de dimension possiblement inférieure) de $M$. Insistons sur ce point : il se peut qu'on ait des triangles ou des segments écrasés.
Dans la suite, on va raffiner plusieurs fois la triangulation de $M$ mais jamais celle de $D$.
Posons $$M_0=M,\ f_0=f\text{ et }D_0=f_0(D).$$ On considère un "voisinage tubulaire" $V_0$ de $f(D)$. Hatcher prend pour $V_0$ l'ensemble des simplexes de la 2e subdivision barycentrique de $M$ qui rencontrent $D_0$. En particulier c'est un complexe simplicial fini de dimension $3$, qui se rétracte par déformation sur $D_0$ (on sort des complexes simpliciaux pour repasser aux variétés topologiques), donc $V_0$ est homotopiquement équivalent à $D_0$. Notons qu'on a raffiné $M$ au niveau de $f(D)$ et donc que $f$ n'est plus simpliciale.
Supposons que $V_0$ ait un revêtement connexe d'ordre $2$, noté $p_1 : M_1 \to V_0$. On relève à $M_1$ la structure simpliciale de $V_0$ via $p_1$. Comme $D$ est simplement connexe, on peut relever $f_0$ en $f_1: D\to M_1$, tel que $p_1 \circ f_1 = f_0$. Posons $D_1=f_1(D)$. Alors $D_1$ est un sous-complexe simplical de $M_1$ (mais $f_1$ n'est pas simpliciale, c.f. ci-dessus). On considère alors un voisinage tubulaire $V_1$ de $D_1$, quitte à raffiner la triangulation de $M_1$. Si $V_1$ a un revêtement connexe d'ordre $2$, alors on recommence. On poursuit le procédé tant que $V_n$ possède un revêtement connexe de degré $2$: $$p_n:M_n\to V_{n-1} \text{ rev. cnx. deg. 2},\ D_n=f_n(D),\ V_n\text{ vois. tub. de } D_n\text{ dans }M_n.$$
Finitude
Considérons le nombre $N_0$ de simplexes formant $D_0$ dans $M_0$ munie de sa triangulation d'origine. On compte les simplexes de toutes dimensions : $0$, $1$ et $2$. En tant que sous-complexe de $M_n$, il se pourrait que $D_n$ ait plus de simplexes que $D_0$ car, rappelons-le, on a subdivisé les $M_k$ à chaque étape pour obtenir $V_k$ avant de passer à $M_{k+1}$. Cependant, nous pouvons munir $D_n$ d'une triangulation telle que chaque $p_n \circ \cdots \circ p_1: D_n\to D_0$ est simplicial : en effet $p_n \circ \cdots \circ p_1: D_n\to D_0$ est la restriction d'un revêtement (de façon équivalente, on relève inductivement la triangulation par $p_n : D_n\to D_{n-1}$).
Soit alors $N_n$ le nombre de simplexes formant $D_n$. On compte $N_n$ sans tenir compte de la multiplicité (sinon, on obtiendrait $N$). Alors $$N_n \leq N_0.$$ Nous allons montrer que $N_n$ forme une suite strictement croissante. Dès lors, la tour ne pourra être infinie.
Il suffit pour cela de voir que $p_n : D_n\to D_{n-1}$ n'est pas injective. Or $D_{n-1}$ est homotopiquement équivalent à $V_{n-1}$ et $p_n:M_n\to V_{n-1}$ est un revêtement connexe non trivial, donc $p_n:p_n^{-1}(D_{n-1})\to D_{n-1}$ l'est également. Maintenant, si on avait l'injectivité sus-mentionnée, alors $p_n:p_n^{-1}(D_{n-1})\to D_{n-1}$ serait un revêtement non connexe, en contradiction avec les hypothèses.
La descente
C'est là qu'a lieu la chirurgie.
Je me demande quelle est la raison heuristique pour laquelle la tour était nécessaire. Un exemple typique serait utile. Arnaud Chéritat (discussion) 18 avril 2015 à 11:21 (CEST)