1 Application aux filtres optiques, intérêt de l'ordre élevé
Nous étudions un dispositif optique appelé filtre à hyper-fréquence de Fabry-Perrot. Ce cas nous a été fourni par la défunte société ATMEL.1.1 Propriétés du filtre optique
1.1.1 Description générale du dispositif
Le dispositif étudié est un empilement de couches de diélectrique (InP) séparées par des couches d'air, comme le montre la figure 1.On note la longueur d'onde nominale du dispositif λ0 . l'écart entre deux couches d'InP est de 0.25 λ0 , excepté pour la cavité centrale, dont la largeur est de λ0. La largeur des couches d'InP est de 5 λ0/4 n où n est l'indice de réfraction du milieu. On prendra pour toutes les expériences numériques :
Figure 1: Dispositif Atmel
λ = 1.55 μ m
n=3.155 ρ = n2
Toutes les grandeurs sont adimensionalisées, les unités sur les
axes sont des longueurs d'onde dans le vide. De même, on
adimensionalise la fréquence par rapport à la fréquence f0 =
c0/λ0 . On parle alors de fréquence relative
F = f/f0.
Une première étude par ondes planes nous fournit le coefficient de transmission à la sortie du dispositif suivant
la fréquence relative. Sur la figure 2,
on peut constater que le dispositif réalise bien une fonction de filtre passe-bande très sélectif. La fréquence F = 1 s'apparente à une fréquence de résonance, pour laquelle le coefficient de transmission est de 1. Dès qu'on s'écarte légèrement de cette fréquence, le coefficient retombe à 0.
Figure 2: Coefficient de transmission du dispositif Atmel en fonction de la fréquence.
1.1.2 Maillage utilisé
On s'intéresse maintenant à la simulation numérique. Le premier obstacle qui s'est présenté a été la réalisation du maillage. La plupart des mailleurs réalisent des maillages en triangles. On peut néanmoins découper les triangles en trois et les quadrangles en quatre, ce qui nous permet de mailler n'importe quel domaine en quadrangles. Malheureusement, la méthode éléments finis s'avère plus efficace sur des maillages réguliers. On a donc choisi de développer un outil de maillage spécifique à un ensemble d'empilements, comme le dispositif Atmel. Le maillage “optimal” (pour Q5) trouvé lors des simulations est présenté sur la figure 3.La structure particulière du dispositif privilégie certains ordres notamment Q5 et Q7. On ne maille que la moitié du domaine et on reconstitue le reste de la solution par symétrie... Sur l'axe de symétrie, on impose une condition de Neumann, on s'astreint à ne traiter que le cas de faisceaux gaussiens à incidence nulle. Dans le cas de faisceaux gaussiens quelconques, il faudrait décomposer la source en partie symétrique et antisymétrique. Pour la partie symétrique, on imposerait une condition de Neumann, et pour la partie antisymétrique une condition de Dirichlet.
On utilise des PML (Perfectly Matched Layers) au lieu de la condition absorbante d'ordre 1, afin de simuler de manière plus fine un domain non-borné. Les couches PML sont rajoutées sur tout le pourtour du domaine de calcul, après la construction du maillage. C'est pour cette raison, qu'on ne les voit pas sur les figures. L'utilisation de PML est particulièrement adapté pour ce type de géométrie “cartésienne”.
Figure 3: Maillage du domaine x≥0 utilisé avec les éléments Q5. Les diélectriques sont en vert. Les unités sont comptées en λ0=1.55 μ m: les longueurs physiques sont obtenues en multipliant par 1.55 μ m.
Figure 4: Module du champ total pour une fréquence relative de 0.8 (ce qui correspond à augmenter la longueur d'onde de 1/0.8 par rapport à λ0) et un waist de w=4.96 μm
1.1.3 Résultats avec des bords droits
La figure 4 montre la solution obtenue pour une fréquence à 80% de la fréquence de résonance. On retrouve le cas 1-D, avec un coefficient de transmission égal à 1 pour une fréquence de 0.8. C'est évidemment une fréquence hors “régime de fonctionnement” du filtre optique. Comme l'a montré le diagramme 1-D, la plage de fonctionnement du dispositif est entre F = 0.95 et F = 1.05 .On prend maintenant des couches de diamètre 112 λ soit 173.6μm. La solution obtenue est présentée dans la figure 5. On remarque que le champ s'étale quasiment dans tout le dispositif, mais il n'atteint pas les bords de manière sensible. Le dispositif étant suffisamment grand, les bord n'interviennent donc pas.
Figure 5: Diamètre de 173.6μm, fréquence relative de 1 (la longueur d'onde est 1.55 μ m),waist w=9.92μm. Les unités sont comptées en λ0=1.55 μ m: les longueurs physiques sont obtenues en multipliant par 1.55 μ m.
On va maintenant étudier l'effet des bords, en prenant un dispositif plus petit. On prend un dispositif de diamètre 26 λ , soit 40.2μm. On observe un décalage de la fréquence de résonance, qui est de 1 + 10−4 au lieu de 1, dans le cas 1-D. Ce décalage est probablement dû à l'approximation utilisée pour l'implémentation d'un faisceau gaussien et à la présence de bords. A cette fréquence, nous avons tracé la solution sur la figure 7
Figure 6: Module du champ transmis |u(x,z=Z)|, x>0 pour un dispositif de diamètre D=40.2μm, et un waist w=9.92 μm. Le Z correspond à 4 longueurs d'onde en aval du filtre. Axe horizontal : axe parallèle au barreau x>0. Les différentes courbes correspondent à un balayage en fréquence ou encore un décalage en longueur d'onde variant de −3.094 nm à 0.
On a effectué un balayage en fréquence de la solution. On observe des comportements semblables au cas 1-D, avec l'apparition de bosses pour des fréquences supérieures à 1, relativement à la fréquence de résonance du système. On représente sur la figure 6 quelques solutions à des fréquences proches de la fréquence de résonance. On observe des “rebonds”, la courbe de transmission n'est plus une gaussienne . On a également des oscillations, qui sont dues à la présence de bords. Pour des fréquences inférieures à 1, on a une gaussienne, dont la hauteur diminue quand on s'éloigne de la fréquence. On n'observe pas de rebonds.
Figure 7: Solution pour un diamètre D=40.2μm, une fréquence relative F de 1.0001 (décalage de la longueur d'onde de −0.1548452 n m), waist w=9.92 μm. En haut, partie réelle du champ total, en bas, le module. Les unités sont comptées en λ0=1.55 μ m: les longueurs physiques sont obtenues en multipliant par 1.55 μ m.
1.1.4 Résultats en prenant des bords courbes
On perturbe le système en courbant légèrement les 2 couches diélectriques de part et d'autre de la cavité. La déformation crée alors une cavité optique concave qui se referme légèrement sur elle-même.On effectue un balayage en fréquence afin de déterminer la fréquence de “résonance”, pour laquelle le coefficient de transmission est maximal, et le coefficient de réflexion proche de zéro. On trace la solution obtenue à cette fréquence de résonance sur la figure 8.
On constate que le faisceau reste confiné dans le dispositif, alors que dans le cas de couches planes, le faisceau s'élargissait dans tout le dispositif. Le faisceau en sortie est donc plus étroit que dans le cas de couches planes. Les bords n'interviennent quasiment pas.
Figure 8: Solution pour un diamètre D=40.2μm, une fréquence relative F de 1.000732 (longueur d'onde de 1.548866 μ m), waist w=9.92 μm. La flèche est de 20 n m au centre de la cavité. Cas des bords courbes.
On représente sur la figure 9 le module du champ total suivant la direction d'attnuation du faisceau (direction perpendiculaire à la direction de propagation). On n'a pas d'oscillations, comme dans le cas de couches planes. Lorsqu'on effectue un balayage en fréquence, la gaussienne en entrée reste à peu près une gaussienne en sortie, les “rebonds” sont moins marqués que dans le cas de couches planes.
Figure 9: Module du champ transmis D=40.2μm, F= de 1.0 à 1.0020 w=9.92μm. Cas des bords courbes.
1.2 Apologie de l'ordre élevé
Nous nous concentrons uniquement sur le dernier cas (bords courbes avec une diamètre de 40.2μm, une fréquence relative F de 1.000732 et un waist w=9.92 μ). Nous commençons par faire la simulation numérique avec du Q2, 10 points par longueur d'onde (dans le diélectrique et dans l'air). On obtient les résultats des figures 10 et 11
Figure 10: Solution pour un diamètre D=40.2μm, une fréquence relative F de 1.000732 (longueur d'onde de 1.548866 μ m), waist w=9.92 μm. A gauche, solution de référence; à droite solution pour Q2 avec 10 points par longueur d'onde
Oh malheur, la solution Q2 part dans le décor ! Si on mesure l'erreur à la sortie du dispositif, on trouve 100 % d'erreur. Ce phénomène peut s'expliquer de manière simple. La dispersion des éléments Q2 déplace légèrement la fréquence de résonance, de ce fait on tombe à côté de la fréquence de résonance, et le filtre ne laisse passer qu'un signal faible. De façon plus précise, on peut tracer le coefficient de transmission en fonction de la fréquence pour la solution de référence et pour la solution Q2 avec 10 points par longueur d'onde. On voit nettement le décalage de la fréquence de résonance sur la figure 12, la fréquence de résonance numérique du maillage Q2 est égale à F = 0.99989 au lieu de f = 1.00073 pour la solution de référence.
Figure 11: Faisceau gaussien à la sortie du dispositif, pour la solution de référence et la solution numérique Q2 avec 10 points par longueur d'onde
Pour la fréquence de résonance, on se fixe un objectif d'erreur à 10 %, on affiche dans le tableau 1 le nombre de ddl nécessaire pour atteindre cette erreur, ainsi que la taille de la matrice LU (dans le cas d'une résolution directe).
Figure 12: Coefficient de transmission en fonction de la fréquence, pour la solution de référence et la solution numérique Q2 avec 10 points par longueur d'onde
Il apparaît évident que sur ce cas, il est vain et inutile de tenter de faire de faire du Q1 ou du Q2. L'ordre le plus approprié semble être le Q5, pour des questions de respect de la géométrie. Si on utilise un ordre supérieur, on se retrouve avec des mailles petites pour respecter la géométrie (typiquement une maille dans les interstices d'air qui font un quart de longueur d'onde ...). On a donc par conséquent plus de degrés de liberté. Le maillage utilisé pour Q5 est sur la figure 3 (hors PML). On ne met que deux mailles dans la cavité et deux mailles sur chaque diélectrique, suivant l'axe de propagation.
Ordre Nombre ddl Stockage LU 2 453 000 598 Mo 3 69 800 94 Mo 4 52 000 78 Mo 5 33 200 58 Mo 6 47 700 93 Mo 7 42 200 96 Mo
Table 1: Nombre de ddl nécessaires pour atteindre moins de 10 % d'erreur